Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme – jusqu’ici abominable – lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi! La femme trouvera de l’inconnu! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres? Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses; nous les prendrons, nous les COMPRENDRONS”.
Arthur Rimbaud
LE PRIX ARTÉMISIA, POURQUOI ?
- L’interview de Thierry Groensteen par Thierry Lemaire : « Les auteurs femmes sont très fréquemment réorientées vers l’illustration jeunesse »
- L’interview de Chantal Montellier : “L’association Artémisia a vocation à devenir un observatoire de la bande dessinée féminine”
PRÉSENTATION
«J’ai fait un rêve», moi aussi. J’ai rêvé d’une mixité des genres, notamment dans le domaine des images, quelles soient ou non narratives, de cinéma ou de bande dessinées.
C’est la décennie d’après 68 qui a amorcé un processus de féminisation dans la création visuelle. C’est elle qui a eu le mérite d’apporter quelques alternatives à la représentation dominante des sexes et des rapports de sexe, à l’écran et ailleurs. C’est cette décennie qui a permis de donner une voix à des personnages féminins différents des traditionnelles maman, vamp et putain.
C’est seulement après 68 que certains noms de femmes ont commencé à émerger. Un cinéma lié a ce qu’on ap- pellera dans les années 70 «le cinéma des femmes».
Par rapport à ce mouvement, la «bande dessinée des femmes», elle, reste à faire, même si les années 70 l’ont aidée à apparaître et à s’affirmer.
Aujourd’hui en France, si des talents féminins surgissent chaque jour dans le 9e art, ils sont hélas encore trop souvent prisonniers des représentations dominantes, comme on a pu, pendant cinq ans, en faire le constat au sein d’Artémisia. À l’heure où nous sommes, l’imaginaire et les images des femmes semblent toujours être à libérer, toujours à connaître et reconnaître. Nous y travaillons car il nous semble que l’émancipation des femmes passe aussi par la libération de leur imaginaire. Cela ne va certes pas sans risque puisque, comme l’écrivait la trop obs- cure Marie Bashkirtseff, artiste géniale morte prématurément : «La femme qui s’émancipe ainsi (par la création artistique), surtout si elle est jeune et jolie, devient immédiatement une créature singulière, remarquée, blâmée, toquée, et, par conséquent, encore moins libre qu’en ne choquant pas les usages idiots de la société.»
C’est contre ces «usages idiots», qui ne cessent pourtant de se reproduire, que veut se battre Artémisia, placée sous le double patronage de l’artiste caravagesque Artemisia Gentileschi et de la déesse des femmes, Artémis, qui veille avec arc et flèches sur les zones de passage et, nous l’espérons, sur celle-ci.
Chantal Montellier pour Artémisia
LA CHARTE DU JURY D’ARTEMISIA
Le jury du prix Artémisia resserre désormais sa sélection en se concentrant sur des albums réalisés intégralement par une ou plusieurs femmes.
. Il conserve un principe de sélection annuelle, de janvier à décembre inclus.
. Il annonce une liste d’une dizaine d’albums autour du 10 décembre.
. Le prix Artémisia est proclamé le 9 janvier, date anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir, et remis quelques jours plus tard.
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Autoportrait, Artemisia Gentileschi (1593-1653).
Considérée aujourd’hui comme l’une des plus grandes artistes de la post-rennaissance, souvent comparée à Caravaggio,Artemisia n’a pourtant pas eu accès à l’enseignement artistique. Elle pratiqua son art dans l’atelier de son père et auprès d’Agostino Tassi, qui la viola. Ce traumatisme influença son œuvre.Après son décès, elle sombra dans l’anonymat. Ses œuvres furent attribuées à son père et à d’autres artistes masculins. Ce n’est qu’en 1991 qu’une première exposition lui fut consacrée à Florence.