Archives mensuelles : janvier 2008

La lauréate du premier prix artémisia est Johanna pour Nos âmes sauvages


johanna©wartmagLe premier Prix Artémisia de la bande dessinée féminine a été décerné le 9 janvier 2008 à  Johanna pour Nos âmes sauvages chez Futuropolis

L’auteure : née à Taïwan, Johanna a suivi ses études à l’École Supérieure de l’Image d’Angoulême. Elle a notamment publié Les Phosphées et Six cygnes chez Delcourt, ainsi que Une par une, sous le pseudonyme de Nina, aux Éditions de l’An 2. Nos âmes sauvages est son deuxième album autobiographique après Née quelque part (Delcourt).

johannafuturoL’album : Nos âmes sauvages relate un voyage en Haute Amazonie à la rencontre des cultures et rites locaux, dont la médecine shamanique; à la rencontre aussi de soi-même à travers l’altérité radicale. C’est une exploration de la forêt intérieure et de ses ombres qu’il nous est donné de suivre.Ce périple est une occasion d’aborder des questions philosophiques, spirituelles et écologiques (Johanna milite activement dans une association de défense des peuples premiers). Entrecroisant les lieux (la jungle du métro parisien) et les époques, mêlant souvenirs intimes, interrogations et citations d’ouvrages, l’auteure nous propose un regard sensible, sincère et lucide sur son temps.

Le site de Johanna

La remise du premier prix Artémisia

Bilan global positif pour cette première du prix Artémisia de la BD féminine. Proclamé le 9 janvier 2008, il a été remis le 26 janvier dans la salle de presse de l’hôtel de ville d’Angoulême où étaient réunis une trentaine de journalistes. S’il a fallu, au début, élever un peu la voix pour se faire entendre, les journalistes présents ont tout de même fini par prêter une oreille attentive aux intervenantes qui les en remercient.

 

Jeanne Puchol est intervenue la première, pour présenter le Prix Artémisia et faire un résumé de la création de l’association du même nom et de ses raisons d’être. Elle a redonné les noms des membres du jury.

 

 

Chantal Montellier a ensuite rappelé que seule, depuis les débuts du festival, Florence Cestac avait reçu le grand prix, alors que la production féminine, de Brétecher à Claveloux, de Séraphine à Florence Magnin, est tout de même loin d’être inexistante. Elle a aussi précisé les objectifs de l’association Artémisia et du prix du même nom, à savoir valoriser une BD de création où les qualités des dessins seraient à la même hauteur que celles du texte: “Trop de publications BD favorisent le scénario au détriment des images, comme si celles-ci n’étaient que la partie secondaire du livre. Mais il y a une grammaire et un vocabulaire du dessin comme il y a une grammaire et un vocabulaire du texte. On ne publierait pas un texte rempli de fautes, alors qu’on s’autorise à publier des livres dont le niveau graphique relève d’une certaine forme “d’analphabétisme”. Une BD est un tout. Texte et images doivent être au même niveau.”

 

Dans son intervention, Johanna Schipper a souligné que plusieurs expériences de salons de bande dessinée dédiés aux femmes auteurs avaient vu le jour ces dernières années mais que, malgré la bonne volonté des organisateurs, le résultat était le plus souvent décevant. À aucun moment, le monde de la bande dessinée n’a été capable d’organiser un événement aussi emblématique que le Festival International des Films de Femmes de Créteil (30 ans d’existence) ou que celui des Femmes S’en Mêlent (10 ans d’existence). Johanna reconnaît cependant que les maisons d’éditions d’avant-garde (L’Association, Ego Comme X, Frémok, l’AN 2…) ont été les premières à publier volontiers des œuvres d’auteures de bande dessinée.

 

En remettant le trophée à Johanna, Jeanne Puchol en a explicité le choix : pour souligner son exigence artistique, l’association Artémisia a confié la création du trophée de son prix à une artiste féminine de renom : Polska (http://www.polskapolska.com/). Ainsi la sculpture rend-elle hommage à l’art narratif, de femme à femmes. Ce trophée représente une petite Vénus de bronze qui, en quelques lignes habiles et sensuelles, semble faire la jonction entre les arts dits premiers et l’art contemporain.

 

À l’issue de la remise du prix, une équipe du site Bédéo.com a tourné une interview de Johanna : la vidéo a été reprise sur le site du journal Le Monde.

 

Pour conclure, malgré un palmarès assez féminin au Festival International de Bande Dessinée d’Angoulême 2008, l’association Artémisia pense qu’il y a encore du chemin à parcourir pour faire connaître la création des femmes auteurs d’hier et d’aujourd’hui, en particulier auprès du grand public. Notamment quand les oeuvres produites ont de vraies ambitions artistiques et esthétiques. Les auteures de bande dessinée, de plus en plus nombreuses, sont encore mal connues et peu diffusées. La réception d’un prix peut véritablement faire la différence. Pour les auteures nominées et primées, la réception d’un prix peut signifier le doublement des ventes et, par conséquent, être déterminante pour une carrière.

En termes de représentation collective, l’Universel reste incarné par le Masculin. Il y a encore de gros efforts à faire pour que le changement des représentations collectives s’opère. Les choses avaient beaucoup bougé dans les années 70, mais un recul a pu être enregistré dans les décennies suivantes et beaucoup de créatrices ont été ramenées au bercail de l’illustration pour la jeunesse…

 

Le rôle de la grande presse n’est bien sûr pas indifférent. On peut déplorer que, par exemple, le journal Libération spécial Angoulême, ait invité une quinzaine de dessinateurs pour illustrer ses articles et une seule dessinatrice ; il en est de même, avec une proportion féminine encore plus faible, dans un récent numéro spécial BD de Beaux-Arts Magazine. Et on pourrait multiplier les exemples.

 

Beaucoup de travail pour Artémisia en perspective!