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Le 8 mars avec Artémisia

Crée en 2008 et proclamé le 9 janvier, date anniversaire

de la naissance de Simone de Beauvoir, le Prix Artémisia est ainsi nommé en référence à la grande artiste italienne de la Renaissance, Artémisia Gentileschi. Il entend contribuer à défendre l’imaginaire féminin en distinguant les œuvres en bande dessinée qui mobilisent les ressources de l’écrit et de l’image pour parler haut et juste…

Dans tous les domaines de l’art, la place des femmes a été minorée et leur accès à l’expression, comme à l’excellence, rendu plus difficile qu’aux hommes. L’histoire de la bande dessinée compte quelques dessinatrices majeures, mais la déclinaison par l’industrie des comics de tous les stéréotypes du récit d’aventures en a longtemps fait un genre destiné avant tout aux garçons, conçu par des hommes « tombés dedans quand ils étaient petits ».

Longtemps, les pionnières comme Claire Bretécher, Nicole Claveloux, Florence Cestac et Chantal Montellier, ont été bien seules. Mais c’est par leur flambeau que la voix des femmes est parvenue à prendre une force nouvelle, à s’approprier les nouvelles thématiques : l’Autre, l’Histoire, le social, le récit personnel puis enfin à couvrir la totalité du champ des idées.

Aujourd’hui les femmes de la bande dessinée comptent pour plus de 10 % de la profession et brillent dans les registres les plus variés : l’aventure avec Laureline Mattiussi, (L’île au poulailler t.1, prix Artémisia 2010), le voyage initiatique avec Johanna Schipper (Nos âmes sauvages, prix Artémisia 2008), le sexe et l’humour noir avec Tanxxx et Lisa Mandel (Esthétique et filatures, prix Artémisia 2009), l’actualité politique et sociale avec Catherine Meurisse, l’autobiographie avec Ulli Lust (Trop n’est pas assez, prix Artémisia 2011), l’humour scientifique avec Marion Montaigne, le roman graphique littéraire avec Posy Simmonds, la fantaisie surréaliste avec Claire Braud (Mambo, prix Artémisia 2012). En contraste avec leurs œuvres fortes, le phénomène de mode de la BD dite « girly » tend encore à cantonner l’image de la femme dans la sphère du domestique et du futile, renforçant les stéréotypes les plus éculés. Ce qui démontre, si c’était encore à prouver, que tous les combats sont loin d’être remportés. C’est dans cette perspective qu’Artémisia tient pour la première fois, à s’inscrire dans les manifestations du 8 mars, journée de la femme.

Renforcer la visibilité de la création au féminin n’est pas seulement un enjeu pour les femmes ; il y va de la pertinence de la bande dessinée dans le monde contemporain, de son aptitude à refléter la société réelle. Puissantes, décoiffantes, impertinentes, imaginatives, les oeuvres primées depuis 2008 affirment et démontrent que, dorénavant, la bande dessinée d’auteurs s’écrit aussi au féminin.