Découvrez les dix bandes dessinées de talentueuses auteures dans la sélection pour le prix Artémisia 2015! La lauréate sera proclamée le 9 janvier, date anniversaire de la naissance de Simone de Beauvoir. Le PRIX sera remis le mardi 27 janvier à partir de 18h30 à la Librairie LA HUNE, 16, rue de l’Abbaye –75006 Paris
MES CENTS DÉMONS de Lynda Barry, Çà & là
A travers une série de strips inspirés des pratiques zen, Lynda Barry livre avec humour une sorte de journal intime, où elle met en scène les événements drôles ou douloureux qui ont fait d’elle ce qu’elle est. Ni fiction, ni autobiographie, cette «autobifictionalographie», supportée par un dessin faussement enfantin, s’empare de l’anodin pour exorciser les démons de l’enfance et de l’imagination. Un exercice jubilatoire.
LILLIAN THE LEGEND de Kerry Byrne . Agrume
Lillian the legend est l’histoire vécue d’une jeune Russe partie dans les années 20 tenter sa chance économique aux USA. Sur place l’expérience de la misère puis l’incendie de son usine l’incitent à retourner chez elle, chemin que, faute d’argent, elle parcourra à pied jusqu’au détroit de Béring. La narration récitative est portée par un graphisme puissant, au style d’imagerie populaire qui rappelle D. Baldaev.
LÂCHER PRISE de Miriam Katin . Futuropolis
Installée à New York, la dessinatrice d’origine hongroise Miriam Katin a définitivement tourné le dos aux souvenirs de la guerre et du nazisme qu’elle évoquait dans Seules contre tous. 60 ans plus tard, son fils qui veut s’installer à Berlin la confronte de nouveau à cette histoire. Les planches au crayon jonglent avec humour entre anecdotes et questions existentielles, accompagnant la réconciliation du présent avec l’avenir.
MODERNE OLYMPIA de Catherine Meurisse . Futuropolis
Les tableaux et leurs personnages s’ennuient au Musée. Les figures sortent du cadre, libérées par le pinceau habile de Catherine Meurisse. Ils s’autonomisent et, échappant à leur destin de modèles deviennent les vrais acteurs de cette comédie musicale graphique. Ainsi de l’Olympia créée par Manet en 1863, qui, coiffée d’un seul ruban, part dans de folles aventures, accompagnée du Fifre du même Manet. Un hommage à l’art dont la dessinatrice de Mes Hommes de lettres et du Pont des arts a le secret.
Ô CRUELLE de Nadja. Actes sud BD
Tout en terminant sa tétralogie féministe sur Les filles de Montparnasse, Nadja nous embarque dans une rêverie à travers le regard d’une femme, qui connaît les confidences entre filles, et devine ce que seraient les pensées secrètes des hommes. Le pinceau est celui d’une peintre, un trait épais, gracieux, des personnages fortement soulignés à la manière des nabis –sauf que l’auteure, libre de ses sens, est bien d’aujourd’hui.
NIKI LE JARDIN DES SECRETS de Dominique Osuch et Sandrine Martin . Casterman
Niki de Saint Phalle ou comment une jeune bourgeoise violée par son père réussit à lui rendre la pareille. Entendez, force l’imaginaire du père, des pères et de la société patriarcale, organisée comme un seul et même phallus (à étages), à intégrer la créativité de l’Autre: la Femme. Servi par un récit bien nourri par son sujet même et par des dessins en empathie avec leur modèle, un album qui témoigne de cette magnifique trajectoire.
LITERARY LIFE de Posy Simmonds . Denoël Graphic
Dans ces chroniques du Guardian, Posy applique à ses victimes – éditeurs, écrivains, critiques, poseurs et autres « gendelettres » – la finesse, l’acuité, l’ironie tendre et cruelle qu’elle destinait aux héroïnes de ses fameux romans graphiques, Gemma Bovery et Tamara Drew. Page à page, elle compose une réjouissante Foire aux Vanités moderne, à la fois proche et bien loin des folles époques de Jane Austen, Thackeray, ou P.G. Wodehouse.
CET ÉTÉ-LÀ de Jillian et Mariko Tamaki, . Rue de Sèvres
Comme tous les étés, Rose part en vacances avec ses parents retrouver la plage et sa copine Windy. Cet été-là, pourtant, la jeune fille a 13 ans, et rien n’est plus comme avant. De l’enfance à l’adolescence, ce roman graphique de 300 pages émerveille par le dessin. Une initiation soutenue par un scénario réaliste qui rythme avec justesse la narration au ralenti, en laissant aux planches le temps de la contemplation et du silence.
LE FRONT D’ALSACE d’Anne Teuf . Delcourt
Juillet 1914. Joséphine, surnommée Finnele, partage sa vie entre l’école de son village d’Alsace et l’église où officie son père pasteur. La menace de la guerre accompagne celle de la mobilisation des hommes et l’éclatement de la région entre Allemagne et France. A partir du récit de sa grand-mère, Anne Teuf projette le regard d’une enfant sur cette période trouble. Une mise en lumière judicieuse de l’identité alsacienne.
IRMINA de Barbara Yelin . Actes sud- l’An 2
Irmina, ou l’histoire d’une jeune allemande partie en Angleterre dans les années 30, avec ses rêves de liberté et ses espoirs d’indépendance. Contrainte de revenir en Allemagne, elle est séduite par le régime nazi et portée par une complaisance coupable. L’aquarelle illumine le dessin sombre et porte une narration sans ambiguïté sur la compromission de la grand-mère de l’auteure. Un héritage qui sonne comme un avertissement.
HORS SÉLECTION- UN HOMMAGE À JACQUELINE DUHÊME
UNE VIE EN CROBARDS de Jacqueline Duhême. Gallirmard Jeunesse
Artémisia rend hommage à la grande illustratrice Jacqueline Duhême, au travers de son livre Une vie en crobards. Ce récit illustré raconte sa vie avec fraîcheur, de l’enfance difficile jusqu’à son épanouissement en tant qu’artiste ayant côtoyé les poètes et peintres phares du XXè siècle, Eluard, Matisse et tant d’autres. Ses dessins en enluminures ponctuent le texte manuscrit. L’autobiographie atypique d’une femme libre qui réalise un album sans précédent. Événement !
La sélection Artémisia 2012
Vieille fille excentrique, Ida parcourt toujours l’Afrique coloniale de la fin du XIXe. Déjouant les clichés sur l’exotisme, Chloé Cruchaudet dévide avec malice le fil de ce voyage initiatique qui conduit son héroïne à la cour du roi du Dahomey. Dépaysement garanti.
Une maison idéale gardée par un tigre géant; un fonctionnaire initié d’un coup de poële à frire à la sérénité; un homme, un vrai, dont les dents pointues l’empêchent d’embrasser; un mystérieux chauffeur
de bus et Petula Peet, dissimulant sa peur d’aimer derrière une improbable malédiction familiale. Un trait sûr et gracile chorégraphie ce mambo amoureux, sensuel, surréaliste. La vie telle qu’elle pourrait être.
Les trois sorcières ne marmonnent pas leurs sortilèges au fond de la forêt, elles sont juchées au point culminant de la piscine qu’elles couvent en observant leur petit monde. Le complexe nautique comme un univers en soit, avec ses espaces végétaux infinis et leur respiration inquiétante, avec les «cuisseuses», ces nageuses qui ne s’arrêtent jamais, ses bassins remplis d’une faune dangereuse, et cette vieille au bonnet rouge qui va chaque jour lancer des carottes dans le grand bassin à la fureur du maître nageur. Un premier livre fantasque, émouvant, où se déploie un dessin dynamique et un sens de la dérision réjouissant.
Le 10 novembre 1995 Sybilline, étudiante âgée de 17 ans, est hospitalisée pour syndrome dépressif majeur. Avec Sous l’entonnoir le Prix Artemisia salue une oeuvre, puissante, courageuse, talentueuse, qui en plus se termine sur une note optimiste : « Je pensais me perdre dans des dosages médicamenteux sans intérêt, mais non. Il y a de l’empathie, des constats justes… » écrit l’auteure à propos de son dossier médical. Magnifique!
Histoires brèves et muettes formant un roman graphique, noir, blanc, rouge, Canopée passe d’une narration réaliste à la fantaisie la plus débridée. L’héroïne enfant, adulte, en fuite, en amour, ensauvagée, semble sans désir ni but. Allégorie glissant de drame en gag, ce troisième album de Karine Bernadou, illustratrice jeunesse et ex-lauréate Jeunes talents à Angoulême témoigne d’une forte originalité.
Comment comprendre Israel en 60 jours ou moins ou le compte-rendu, sous forme BD, du premier séjour en Israel d’une jeune Américaine (le Golan, le lac de Tibériade, Tel Aviv, le désert, Jérusalem…). Un sujet « chaud » que l’auteur traite avec intelligence, distance, humour et talent. Un glossaire et une chronologie en fin d’ouvrage.
Les Sauvages évoque la rencontre entre un botaniste de Prague et un indien du Paraguay en 1909. Qui est le sauvage ? Qui est le civilisé ? Histoire forte et actuelle, sur l’humanité de l’étranger. Le dessin est parfaitement lisible, la mise en couleurs adaptée au récit; un travail soigné, maîtrisé. Par une auteur tchèque reconnue dans son pays.
La vieillesse, la décrépitude, la dépendance… Joyce Farmer prend à bras le corps des sujets douloureux dans ce récit autobiographique du long accompagnement de ses parents vers la sortie. Sans concession, mais sans complaisance larmoyante. Une narration au scalpel, servie par les détails d’un dessin très fouillé et éclairée de touches d’humour.
Grande prêtresse de l’école de BD de Hambourg, Anke Feuchtenberger reprend son personnage fétiche pour trois récits indépendants. Confrontée à un homme de pouvoir puis à un autre qui refuse de la courtiser, la Putain P se perd dans un zoo et hante un bal désert. Les mots sont volontairement pauvres et rares, les images puissantes, symboliques, énigmatiques.
Astrophysique, aéronautique, balistique, géologie…Avec humour et une salutaire distanciation la professeure Marion Montaigne répond aux questions que se posent aussi bien les enfants sages que les savants fous. Trash, geek et surtout bien informée cette dessinatrice a trouvé la bonne formule .Quelques touches légères à l’aquarelle agrémentent
ses dessins, saisis sur le vif. La rapidité du trait et la concision des mots font mouche.
Une collection de saynètes impertinentes sur la solitude, le narcissisme, la séduction, l’incompréhension entre les sexes. L’absence de paroles, le trait délicat, les couleurs pastel, les personnages à l’allure de pantins font un très bel objet et un support à la rêverie.
Poster un commentaire
Publié dans Actus, Sélections
Tagué Anke Feuchtenberger &Katrin de Vries, Candeur et abomination, Canopée, Chloé Cruchaudet, Claire Braud, Comment comprendre Israël en 60 jours ou moins, Fables nautiques, Ida, Joyce Farmer, Karine Bernadou, L’homme en pièces, Les Sauvages, Lucie Lomova, Mambo, Marine Blandin, Marion Fayolle, Marion Montaigne, Sarah Glidden, Sous l’entonnoir, Sybilline et Natacha Sicaud, Tu mourras moins bête, Vers la sortie