Il y a 27 ans ce 27 janvier 2012, plusieurs femmes dessinatrices remettent en question la presse BD de l’époque. Nicole Claveloux, Florence Cestac, Chantal Montellier et Jeanne Puchol cosignent un “manifeste” publié dans Le Monde.
Les coups en retour furent d’une extrême violence et d’une grande bassesse. Etant considérée – à juste titre- comme le véritable auteur de ces lignes j’ai été particulièrement visée et frappée. Rumeurs qui tuent et ostracisation systématique. Mise en cause de ma santé mentale.
J’avais touché au veau d’or, ça ne se pardonne pas.
Ce texte manifeste intitulé « Navrant », est reproduit ci dessous dans son intégralité :
« Navrante cette soi-disant nouvelle presse percluse des plus vieux et des plus crasseux fantasmes machos.
Navrant de voir la plupart des journaux de bandes dessinées emboîter le pas, prendre le chemin réducteur de l’accroche-cul et de l’attrape-con.
De la « porno à quatre mains », au « strip-tease des copines », en passant par « l’étude comparative des lolitas », « le roi de la tripe », « les nouveaux esclaves », les « mange-merde », j’en passe, les talents se déploient, virils. Ils nous proposent d’accompagner « le grand capitaine Rommel » dans le souffle nouveau de l’aventure.
Rétro, humour fin de race, potins mondains-branchés, nostalgie coloniale, violence gratuite, poujadisme, sexe-con, fétichisme, sexisme et infantilisme sont à l’ordre du jour.
Parce que nous aimons certaines bandes dessinées, parce que nous souhaitons que les journaux soient au service des créateurs et pas des seuls marchands, parce que ces derniers réduisent chaque jours davantage la place accordée à la création au profit de l’uniformisation, nous avons voulu réagir, en souhaitant que cette lettre trouve un écho auprès des auteurs comme des lecteurs. »
Manifeste signé par : Nicole Claveloux, Florence Cestac, Chantal Montellier, et Jeanne Puchol.
Avec le soutien d’ Arnaud de la Croix, Franck, Thierry Groensteen, Bruno Lecigne, et Pierre Sterckx.
Quelques lignes d’une interview donné à Hélène Lazar, une journaliste de “la vie en rose”.
H. L. : Comment vous est venue l’idée de ce manifeste ?
CHANTAL MONTELLIER : C’est à la suite d’une discussion avec Nicole Claveloux, une autre auteure de BD. Nous avons réagi de la même manière aux politiques d’édition de journaux comme L’Écho des Savanes. Charlie Mensuel ou Pilote. Mais on ne s’est pas contentées d’une impression générale. On a été y voir de près. On a fait une sorte d’état des lieux, c’est-à-dire qu’on a acheté toutes les revues de BD présentes en librairie et on a constaté que le mot d’ordre général, c’était: «Porno, rétro, facho». Quoi qu’on raconte, les femmes sont exhibées, dénudées. C’est comme si on imaginait une pièce de théâtre où tous les personnages féminins seraient nus ; ça semblerait absurde. Ce qui est grave, c’est que ces BD développent un mépris de la femme, la gadgétisent. Elles ne sont plus actrices, porteuses d’une histoire. Elles sont le repos du guerrier, des esclaves sexuelles analphabètes.