La preuve, avec l’aide active de Lisa Mandel, nous donnons aussi la parole aux « pensionnaires » de la maison close, en commençant, c’est la moindre des choses, par celle de nos deux lauréates 2009 qui était de l’aventure – (cf : Tanxxx n’a pas participé à « la Maison Close » mais a commenté le précédent post (voir tous les commentaires)
Le commentaire de Tanxxx
TANXXX a dit… He bien, he bien… justement, moi j’y vais une façon plutôt marrante justement de détourner l’idée de « faire un truc des filles dans la bédé » (remplacez BD par sculpture, maçonnerie ou ce que vous voulez) pour aller directement dans l’excès de ce genre de cloisonnement. Tiens cloisonnement / maison close, déjà c’est marrant, non ?
A mon avis, vous avez lu et interprété à l’envers l’initiative de Ruppert et Mulot et c’est déjà mal connaitre leur travail, et s’insurger pour pas grand chose au final, ou tout au moins s’insurger contre quelque chose qui va dans le bon sens.
La maison close de Ruppert et Mulot n’a strictement rien à voir avec les danseuses topless de soleil, ou alors vous faites un sacré amalgame, voire même un beau contresens.
Voilà. Je ne crois pas les participantes de Maison Close assez stupides pour croire qu’elles vont y faire les putes. 23 janvier 2009 01:55
Lisa Mandel
Eeeeh oui, je savais que cette maison close créerait des polémiques, mais est-ce un mal ?
Je me suis moi-même pas mal pris la tête une fois à l’intérieur, mais une fois à l’intérieur seulement!
J’avais prévu de prendre le projet à contre-pied, ce qui m’amusait beaucoup, mais je me suis rendu compte qu’une fois qu’on est dans la maison, il est trop tard, quoi qu’on fasse, on a cautionné l’idée… Maintenant bien sûr je pense à tout ce que j’aurais pu faire d’autre mais j’avoue que le temps m’a manqué, étant en plein bouclage je me suis laissée porter! Ceci dit, ce n’est pas bien méchant, et promis, je ferai un bel album bien féministe pour me faire pardonner !
Par contre, je trouve qu’il y a eu beaucoup de belles choses de faites, notamment Killofer et Anouk Ricard, qui ont traité le sujet avec beaucoup d’humour, de légèreté, et surtout en assumant à 100% la dérision qui est quand même là pour faire relativiser, non?
Aude Picault
Il y a de quoi râler c’est sûr, d’ailleurs, nos personnages doutent toutes plus ou moins des raisons de leur présence dans cette maison close …
Mais on a fait confiance à tout le monde je crois. On a fait confiance aux garçons qu’on ne croit pas être machos … et on s’est toutes fait confiance pour éviter les écueils. Peut-être pas suffisamment ? Perso, j’ai eu envie de prendre les choses à la légère.
Je comprends que des nanas s’offusquent, il faut toujours être vigilantes sur certains points …
Nadja
C’est vrai que ça peut sembler bizarre que la seule idée pour mettre les filles dans un jeu bd interactif était de les voir comme des putes ; mais… c’est peut-être aussi aux garçons de se poser la question d’avoir accepté de jouer au jeu humiliant d’être des clients ; ou des proxénètes.
Le décor étant posé, le même pour tous, rien ne nous a jamais empêché d’y foutre le feu ; la situation ringarde, la visibilité égale, permettaient à chacun et chacune de réagir librement. Un peu comme dans la vie, non?
(Lire aussi son commentaire du précédent post)
Hélène Bruller
Moi j’ai tendance à répondre que je suis libre et que j’ai les mêmes droits que les autres (c’est ce qu’elles veulent, non?) et que, par conséquent, si j’ai envie de faire la pute pour m’amuser dans une maison close, je n’ai de comptes à rendre ni aux hommes, ni à personne d’autre.
On s’est pas débarrassées du joug des hommes pour tomber sous celui des féministes. Voilà!
Lucie Durbiano
Oui, pour ma part j’ai pris ça comme un jeu et j’ai vraiment le sentiment que garçons et filles jouions ensemble sur ce coup-là. Donc pas de sexisme, encore moins de misogynie. Nous ne faisions qu’en rire (enfin moi je me suis bien marrée en tout cas). Hélas, il y aura toujours des esprits chagrins pour s’en offusquer et c’est normal aussi, ça touche à des choses plus graves, des sujets sur lesquels certaines personnes ne peuvent avoir de recul (la prostitution ce n’est pas drôle du tout)… À nous de voir si nous sommes assez libres pour pouvoir en rire… Et franchement je ne vois que de l’humour là-dedans (la maison close) et ça fait du bien, aussi !!!!
Fanny Dallerive
Le dessin nous offrait toutes les possibilités.
Chacune était absolument libre de son personnage et de l’orientation des scènes, on aurait pu tout foutre en l’air, démonter le concept de Ruppert et Mulot.
D’ailleurs la plupart des dessinateurs et trices ont essayé de contourner le truc, et c’est bien ce qui faisait tout l’intérêt du concept.
Et moi non plus j’ai pas spécialement l’impression que les hommes ressortent plus glorieux de cette expérience !
Je me suis vraiment amusée, moi.
Enfin voilà je suis hyper d’accord avec Hélène et Nadja.
Nos reproduisons aussi le commentaire que Boulet a ajouté au précédent post, car il nous donne le point de vue d’un des hommes enfermés dans la Maison Close.
Boulet
Personnellement je n’étais pas du tout à l’aise avec le thème choisi par Ruppert et Mulot. C’est d’ailleurs aussi pour ça que j’ai accepté de participer…
Le thème n’était pas seulement difficile pour les filles, il l’était aussi pour nous qui étions d’emblée placés dans la position du salopard, du consommateur, bref, du client.
Je pense que chacun a eu à cœur de désamorcer ce thème, et chacun a endossé le rôle d’un personnage… Et chacun a eu aussi la volonté de ne pas être trop premier degré, c’est à dire dans l’acceptation ou le refus complet, mais en se représentant tour à tour comme victime et bourreau, en se mettant en danger par rapport à sa propre image et par rapport au thème.
Je pense que ce qui vous a choqué ne sont pas des propos d’auteurs mais des propos de PERSONNAGES, la nuance est capitale.
Bien sûr les propos de Frantico sont choquants : c’est un personnage par définition ignoble, obsédé, veule et ridicule, un petit chauve transpirant qui va dans la maison close sans lâcher son cabas à poireaux.
Bien sûr le personnage de Killoffer est immonde quand il attrape Anouk par les cheveux pour la « consommer »: ce n’est pas pour rien qui est représenté en homme des cavernes, violent et alcoolique, dont l’impunité ne tient qu’à la valise pleine de billets.
Bien sûr que les propos de Lewis sont moches : il tient le rôle du portier malveillant, qui méprise les filles, humilie les clients, et finit par s’enfuir lâchement.
Nous tenions le rôle malsain de clients-consommateurs, et nous nous sommes donc tout naturellement rendus odieux ou méprisables pour les besoins du rôle. Aucun d’entre nous, bien évidemment, ne cautionne aucunement les pratiques décrites.
Pour faire simple : si le thème avait été « la guerre et ses massacres » nous nous serions sans doute représentés en soldat malveillants et violents, ce n’est pas pour autant qu’on a envie de tuer des gens dans la vraie vie.
Enfin, au sein du groupe Artémisia, le débat continue ! Voici donc
la réaction d’Anne Bleuzen
Sérieusement, c’est pas la peine de s’exciter comme ça, ça prouve juste qu’en effet, il y a des sujets dont personne n’oserait rire (les camps) et d’autres dont certains veulent bien rire (les maisons closes) et ça veut certainement dire des choses sur l’imaginaire collectif et notamment une certaine « domination masculine » dans cet imaginaire-là. Mais personne n’a forcé les dessinatrices à s’y enfermer, dans cette maison close, et elles ont l’air de s’en sortir comme elles veulent ! Pour moi c’est une vaste blague de potache d’un goût certes douteux mais qui ne mérite pas tant d’excitation.
et le point de vue très pertinent de Sylvie Fontaine :
J’ai un instant espéré que cette histoire de maison close qui vire au bordel était une occasion pour les organisateurs de faire un parallèle entre le statut de l’éditeur et celui du maquereau et, de la même manière, entre le statut de l’auteur et celui de la prostituée. Les auteurs-dessinateurs de BD sont très nettement une sorte de sous-prolétariat des Beaux-Arts (penser à leurs tarifs, leurs heures de travail, la reconnaissance qu’ils en obtiennent, le nombre proprement hallucinant de dessinateurs syndiqués – une vraie puissance ! ça fait peur… – bref, toutes ces choses qui nous confèrent un statut proche du minable…).
Enfin, ça m’aurait intéressée que cette affaire soit prétexte à un peu plus qu’une pignolade-poilade. Tel que c’est là, ça n’a pas l’air d’aller bien loin ou je me trompe ?
Il y a beaucoup de choses à dire sur le fait que toute la chaîne du livre repose sur des travailleurs sous-payés (hé ouais, artiste c’est du boulot aussi !).
J’aimerais rajouter un truc, juste comme ça : le travail (de dessin, d’écriture, ainsi que tout autre parmi les milliers de métiers existants…) passe par le corps (main, cerveau et tout le reste). Et notre société n’a aucun respect pour le corps, le corps naturel, ni pour la « matière première » qui se trouve être le dessinateur-auteur (à mettre aussi au féminin) dans le milieu qui nous occupe, celui de la BD.
Bon, vaste sujet, ça fait des lustres que l’Occident divise corps et esprit, au déficit du corps bien évidemment…